Au Caucase Rcits militaires

" La route suivait le fond d'une abrupte valle et longeait une rivire, en ce moment dborde. Des bandes de pigeons sauvages tournoyaient au-dessus des flots, tantt se posant sur la berge pierreuse, tantt tourbillonnant dans l'air, et parfois disparaissaient la vue. Le soleil n'tait pas encore lev; mais le haut du versant droit de la valle commenait s'clairer. Des roches grises et blanchtres, la mousse d'un jaune verdtre humide de rose, des cornouillers, des karatchags, peu peu s'illuminaient la transparente lumire dore du levant. En revanche, l'autre versant et le creux restaient voils par un pais brouillard agitant ses couches ingales et fumeuses; humide, morne, il prsentait un mlange de couleurs indfinissable: lilas ple, noirtre, vert fonc et blanc. Juste devant nous, sur l'horizon sombre, des montagnes neigeuses profilaient, avec une prcision singulire, leurs masses confuses d'un blanc intense, avec leurs ombres et leurs contours fantasques mais gracieux jusque dans leurs moindres dtails. Des grillons, des sauterelles et des milliers d'autres insectes s'veillaient dans les hautes herbes et remplissaient l'air de leurs bruits clairs et continus. Il semblait qu'une multitude de minuscules sonnettes tintassent dans vos oreilles. On respirait dans l'air l'eau, l'herbe, le brouillard, en un mot le bonheur d'une belle matine d't..." L.T.