" Notre ge, a de grandes prtentions, il aime surtout s'entendre dire qu'il rsume tous ses devanciers et les surpasse quelque peu. C'est mme un trait de notre caractre qu'on ne retrouve pas, je crois aussi saillant dans les poques antrieures jamais: on ne s'est montr moins qu' prsent laudator temporis acti. Nous voyons force gens s'encenser tour de bras dans la personne de leur sicle, si bien qu' les our, on se retrouve trs tonn de n'tre pas plus fier de vivre. Heureuse srnit ! Aprs tout, c'est peut tre une bonne prcaution prendre, au cas o la postrit n'y mettrait pas la mme bienveillance. En fait d'art, il serait injuste sans doute de se montrer absolument pessimiste. Il s'est produit depuis vingt ans, dans certains genres, des ouvrages trs remarquables. Mme au salon de cette anne, en se montrant difficile, on pourrait faire un choix d'une dizaine de tableaux ou statues qui ne sont pas des chefs d'oeuvre, si l'on veut, mais qui feraient bonne figure dans les meilleures galeries. Dix ouvrages sur quatre mille, c'est peu, dira t on: c'est beaucoup au contraire, par le temps qui court et avec les symptmes qui se manifestent. Nous pourrions mme borner notre dsir voir chaque salon maintenir un pareil chiffre; malheureusement ce petit nombres est noy dans un torrent d'oeuvres sans nom o les plus dplorables fantaisies se rvlent, et, voir ces tristes manies grandir d'anne en anne et s'imposer magistralement, il y a lieu, ce semble, de n'tre plus si satisfait du prsent et de s'inquiter srieusement de l'avenir..."
Louis de Geofroy (XIXe sicle - XIXe sicle) tait auteur de la Revue des Deux Mondes, vers 1850.