" Il convient toujours d'appeler d'un jugement gnral rendu l'ouverture du Salon. La premire impression que donne un Salon est le plus souvent fcheuse. On est tourdi par la multitude des tableaux et comme aveugl par les crudits de ton des peintures fraches. C'est la confusion d'un kalidoscope. Tout d'abord on ne distingue rien nettement. Puis les mauvaises toiles, qui sont d'ailleurs en majorit, s'imposent au regard par leurs couleurs criardes, leur composition bizarre ou ridicule; et c'est grand'peine, au contraire, que l'on aperoit quelques bons tableaux, car les yeux, vite fatigus, ne regardent plus que machinalement. Par la raison qu'on veut tout voir, on ne voit rien. La comparaison avec les autres Salons vient alors la pense, et comme l'on n'a conserv de ces Salons-l que le souvenir des belles oeuvres, - celui des choses mdiocres s'tant naturellement effac, - on juge que le Salon actuel est infrieur aux prcdents. A une seconde, une troisime visite, le jour se fait dans le chaos, les ides se modifient. On dcouvre beaucoup de tableaux de mrite qui ont chapp la rapide inspection du premier jour, et dans les tableaux qu'on a dj remarqus on admire de nouvelles beauts. Il se produit un phnomne de slection visuelle..."
Henry Houssaye (1848 - 1911) est un historien, critique d'art et critique littraire franais.